Le régime juridique de l’obligation naturelle
Contrairement à l’obligation civile, l’obligation naturelle ne confère aucun moyen d’action au créancier :
- Il ne peut pas exiger l’exécution forcée de la prestation.
- Il ne peut pas réclamer de garanties.
Toutefois, si le débiteur exécute volontairement l’obligation naturelle, il ne peut pas revenir en arrière. Autrement dit, il ne peut pas demander la restitution de ce qu’il a payé sous prétexte qu’aucune obligation juridique ne l’y contraignait (art. 1302, al. 2, C. civ.). Dans ce cas, le paiement ne constitue pas une libéralité, car il découle d’une volonté de s’acquitter d’une dette ressentie, et non d’une simple intention de donner.
Par ailleurs, lorsqu’un débiteur s’engage volontairement à exécuter une obligation naturelle, celle-ci acquiert la force contraignante d’une obligation civile (art. 1100, al. 2, C. civ.). Autrement dit :
- L’engagement transforme l’obligation naturelle en obligation civile.
- Le créancier retrouve alors un droit d’action contre le débiteur.
Cette transformation repose non plus sur la théorie de la novation (qui suppose l’extinction d’une obligation pour en créer une nouvelle), mais sur la reconnaissance d’un engagement unilatéral de volonté. Ainsi, il appartient au créancier de prouver que le débiteur s’est engagé expressément ou implicitement à exécuter l’obligation naturelle.
Le domaine de l’obligation naturelle
L’obligation naturelle se rencontre dans deux grandes situations :
1. L’obligation civile imparfaite
L’obligation naturelle peut découler d’une obligation civile qui n’a pas pu voir le jour ou qui s’est éteinte. Quelques exemples :
- Une dette prescrite : si le débiteur la règle malgré la prescription, il ne peut en demander la restitution (art. 2249 C. civ.).
- L’exécution d’un legs verbal, alors qu’il est juridiquement irrégulier.
2. Un devoir de conscience envers autrui
Certaines obligations naturelles naissent d’un devoir moral, notamment dans le cadre familial ou affectif. Exemples :
- Un père qui s’engage à verser une somme à son fils présumé jusqu’à la fin de ses études.
- Une personne qui continue à soutenir financièrement son ex-conjoint ou son ex-concubin(e).
- Un individu qui loge gratuitement ses beaux-parents en remerciement d’une aide passée.
En dehors de la sphère familiale, un ancien partenaire commercial peut, par devoir moral, restituer des sommes qu’il estime indûment perçues. De même, un dirigeant d’entreprise en liquidation judiciaire peut promettre, lors d’une audition, d’indemniser un client.
Ces exemples montrent que l’obligation naturelle conserve une certaine vitalité. Toutefois, elle demeure marginale en droit des obligations, et les tribunaux veillent à ce qu’elle ne soit pas utilisée pour contourner des règles impératives.
Enfin, lorsqu’on parle d’« obligation » sans autre précision, il s’agit toujours d’une obligation civile.