Droit des sûretés réelles

Droit des sûretés réelles

Le droit des sûretés réelles est une branche du droit civil français qui regroupe les mécanismes permettant à un créancier de garantir le paiement d’une dette par l’affectation d’un ou plusieurs biens appartenant au débiteur. Ces mécanismes visent à offrir au créancier une protection accrue par rapport au droit de gage général, en lui conférant un droit préférentiel ou exclusif sur un bien déterminé.

Principes généraux

Le gage général et le gage commun

L’article 2284 du Code civil pose le principe du gage général, qui permet à tout créancier de faire valoir ses droits sur l’ensemble du patrimoine de son débiteur. L’article 2285 ajoute que ce droit est commun à tous les créanciers, lesquels se partagent le patrimoine du débiteur au prorata de leurs créances.

La sûreté réelle

L’article 2323 du Code civil définit la sûreté réelle comme « l’affectation d’un bien ou d’un ensemble de biens, présents ou futurs, au paiement préférentiel ou exclusif d’un créancier ». Elle permet au créancier d’échapper au concours avec les autres créanciers en cas de défaillance du débiteur.

Subordination des créances

La subordination est une convention par laquelle un créancier accepte d’être payé après un ou plusieurs autres créanciers, souvent dans un contexte de financement syndiqué. Ce mécanisme, bien que modifiant l’ordre de paiement, ne constitue pas une sûreté réelle.

Effet relatif des contrats

Selon le principe res inter alios acta, les effets d’un contrat ne peuvent être opposés aux tiers que dans certaines conditions, notamment lorsque la sûreté a été rendue opposable par publicité ou dépossession.

Classification des sûretés réelles

Selon la source (article 2324 du Code civil)

  • Légales : Imposées par la loi en raison de la nature de la créance (ex. : privilège du Trésor public).
  • Judiciaires : Ordonnées par un juge à titre conservatoire (ex. : hypothèque judiciaire).
  • Conventionnelles : Librement consenties par le débiteur, elles sont toujours spéciales.

Selon l’assiette

Les sûretés peuvent porter sur :

  • des meubles ou des immeubles ;
  • un ou plusieurs biens spécifiques (spéciales) ;
  • la totalité du patrimoine (générales), uniquement si la loi le prévoit.

Selon la technique d’affectation

  • Par droit préférentiel ou exclusif ;
  • Par dépossession ou par publicité légale.

Historique et modalités d’opposabilité

Droit romain

Les sûretés réelles romaines étaient des droits accessoires à la propriété. Le transfert de propriété à titre de garantie(fiducia) préfigure des mécanismes modernes comme la fiducie-sûreté (article 2372-1 du Code civil).

Clause de réserve de propriété

Inspirée du droit allemand, cette clause permet au vendeur de conserver la propriété du bien jusqu’au paiement intégral du prix. Elle est considérée comme une sûreté réelle.

Dépossession et publicité

L’opposabilité d’une sûreté aux tiers peut être assurée :

  • par dépossession (remise du bien au créancier) ;
  • par publicité légale (ex. : registre foncier ou des sûretés mobilières).

L’évolution historique a vu apparaître des sûretés sans dépossession avec publicité, généralisées par la réforme de 2006.

Le droit de rétention (article 2286 du Code civil)

Le droit de rétention permet à un créancier de conserver un bien appartenant à son débiteur tant que celui-ci ne s’est pas acquitté de sa dette. Il ne constitue pas une sûreté réelle mais un moyen de pression légitime.

Conditions d’exercice

  • La créance doit être liquide, certaine et exigible ;
  • Le créancier doit détenir légitimement la chose ;
  • Il doit exister un lien de connexité entre la créance et la chose retenue.

Portée

Le droit de rétention peut porter sur tout bien, y compris des documents administratifs ou des biens hors commerce. Il peut aussi accompagner certaines sûretés, comme le gage (article 2339 du Code civil).

Origines

Déjà reconnu par l’ancien article 1612 du Code civil, le droit de rétention a été codifié à l’article 2286 en 2006.