Le conclave une curiosité constitutionnelle

Nichée au cœur de la ville éternelle, la Cité du Vatican se prépare à l’une des procédures électorales les plus anciennes et les plus secrètes au monde. Le conclave une curiosité constitutionnelle, une assemblée de cardinaux, dont la fonction est d’élire le nouveau souverain pontife, s’inscrit dans une tradition qui a évolué au fil des siècles, pour devenir le rituel que nous connaissons aujourd’hui.

Des origines mouvementées

Aux origines, le premier Pape, Pierre, a lui-même désigné son successeur, par la suite ce fut la communauté chrétienne de Rome qui, du IIIᵉ au VIᵉ siècle, choisissait l’évêque de Rome par l’« ekklēsía » – assemblée réunissant fidèles, clergé et évêques des environs. Cette pratique démocratique primitive fut vite détournée dès le Vᵉ siècle par l’influence croissante de pouvoirs politiques ecclésiastiques et royaux. L’élection se restreignait aux grands laïcs et aux dignitaires ecclésiastiques, tandis que les puissances temporelles – empereurs romains puis byzantins, rois barbares – imposaient de plus en plus leur influence. 

Face aux multiples troubles auxquels l’Église catholique a fait face au XIᵉ siècle, l’institution a dû se réformer pour aboutir à une forme plus proche du conclave moderne en limitant l’élection aux seuls cardinaux.

Le conclave une curiosité constitutionnelle

La naissance du conclave moderne

Le terme « conclave » (du latin cum clave, « sous clé ») prend tout son sens en 1271. Après des mois d’indécision à Viterbe, les cardinaux sont littéralement enfermés et rationnés jusqu’à ce qu’ils se décident. Cette méthode expéditive inspire le pape Grégoire X.

Au fil des siècles, la procédure s’est perfectionnée par l’introduction du scrutin secret obligatoire, l’interdiction des communications modernes en 1945, l’incinération systématique des bulletins et une limite d’âge à 80 ans maximum pour les électeurs. Une limite d’âge inapplicable aux candidats !

La réforme la plus récente remonte à Jean-Paul II qui, dans sa constitution apostolique Universi Dominici Gregis (1996), a imposé la Chapelle Sixtine comme lieu unique du vote et prévu une majorité absolue possible après 34 scrutins.

Le conclave une curiosité constitutionnelle

Une procédure méticuleusement orchestrée

Aujourd’hui, le conclave obéit à un rituel précis. Seuls les 138 cardinaux de moins de 80 ans peuvent voter. Après une messe d’ouverture à Saint-Pierre, les cardinaux prêtent serment puis s’enferment dans la Chapelle Sixtine au cri d’« Extra omnes » (« Tous dehors »).
Contrairement aux idées reçues, tout homme catholique baptisé peut théoriquement être élu pape, même s’il n’est pas cardinal.
Le vote se déroule quatre fois par jour : deux scrutins le matin, deux l’après-midi. Chaque cardinal inscrit manuellement son choix sur un bulletin anonyme portant la formule « J’élis comme Souverain Pontife » Eligio in Summum Pontificem (« J’élis comme Souverain Pontife »). Si après deux jours aucun candidat n’obtient la majorité requise des deux tiers, une pause de prière est observée.
Le résultat de chaque vote est communiqué au monde par la célèbre fumée s’échappant de la cheminée de la chapelle : noire en cas d’échec, blanche lorsqu’un nouveau pape est élu. S’ensuit alors la déclaration « Habemus Papam » depuis la loggia de la basilique Saint-Pierre, où le nouveau pontife, après avoir choisi son nom, donne sa première bénédiction Urbi et Orbi.

Le droit canonique aime rappeller que « Le pape ne tire pas sa légitimité du vote humain mais de Dieu », faisant de cette élection une procédure théologiquement spirituelle, bien que politiquement complexe.